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Qu’est ce que “être un chasseur” ?
J’ai créé chasseprecision.com il y a un quelques années maintenant. Ce site avait pour objectifs de fournir des éléments de formation, des expériences et des tests sur les armes et le tir en relation avec le monde de la chasse. L’article qui va suivre est bien loin des objectifs du site. Il me semblait pourtant nécessaire de l’écrire vu le contexte actuel et ce que l’on peut lire sur internet et les réseaux sociaux.
Cela fait bien longtemps que je n’ai plus pris le temps d’écrire de nouveaux articles. Les battues ont repris depuis peu et avec elle les accidents, malheureux, et les articles engagés des grands journaux voulant dépeindre la chasse et les chasseurs comme des êtres diaboliques assoiffés de sang, de chair et d’os. Loin de moi l’idée de vouloir faire un énième article cherchant à excuser les accidents de chasse ou à décrire notre activité comme un nécessaire écologique en prônant la régulation des espèces et les traditions. Non, cet écrit est là pour partager avec les chasseurs et non chasseurs quelque chose de bien moins palpable, une chose néanmoins authentique et vrai qui ne peut se vivre derrière un écran, des émotions et le plaisir que cette activité peut nous procurer. N’imaginez pas non plus que je vais vous vanter des sentiments de joie ou d’amour animal ! Je ne suis pas un grand écrivain mais ce que j’aimerais partager avec vous aujourd’hui, personnel, difficilement descriptible et empli de dualité, risque d’être bien loin de ce que votre esprit et en train d’interpréter. Gardez toutefois en tête en lisant les lignes qui vont suivre que ce texte est loin d’être factuel, loin d’être partagé par l’ensemble des chasseurs et pourtant …
Je ne suis pas issu d’une famille de chasseur. La chasse ne fait donc pas parti de mes traditions et n’est pas commune (familière) dans mon quotidien. Vous allez me dire, dans ce cas, comment peut-on en arriver à devenir chasseur ? Comment peut-on en arriver à mettre fin à la vie d’animaux ? La vérité est bien plus complexe. Il serait réducteur de penser que la chasse se limite à la mort, à de la régulation ou a de simples traditions. Continuez de lire et peut-être que ces lignes vous apporteront un début de réponse. En réalité, j’ai été amené à passer le permis de chasser un peu par hasard. Le passage de ce permis n’a pour autant fait de moi un chasseur. Certes, il a entre ouvert les portes du monde de la chasse en donnant des bases sur la connaissance des espèces et des éléments sur la sécurité, le maniement des armes, mais pas sur ce qu’est être un chasseur. De fil en aiguille, rencontre après rencontre, j’ai été amené, depuis ce simple examen, en passant tout d’abord par les battues, les traques, à pousser de plus en plus les portes vers ce monde qu’est la chasse. Puis un jour, j’ai franchis le pas, j’ai rejoint une équipe de chasse en Moselle et j’ai débuté ma première année, sans toutefois être un chasseur. Qu’est qu’un chasseur du coup, si ce n’est une personne qui chasse ? Si ce n’est une personne qui tue des animaux ? Encore un peu de patience, la réponse est bien plus complexe et si il suffisait de tuer des animaux, bon nombre de personnes serait appelés chasseurs… Les premiers éléments de réponse, je les ai eus en côtoyant l’adjudicataire (personne détentrice du droit de chasse sur un territoire) de cette première part de chasse, et je profite de cet article pour lui montrer ma gratitude.
Mes premiers temps sur la chasse se sont fait en duo avec l’adjudicataire, d’abord pour connaitre la chasse, mais aussi pour en apprendre plus sur les modes et les techniques inhérentes à cette activité. Pirscheur (chasse à l’approche), et chasseur à l’arc, j’ai découvers cet univers et y ai pris goût un peu grâce à lui. Nombre de sorties furent sans succès, parfois nous avions l’occasion de voir un animal, chevreuil, renard, dans de rares cas quelques sangliers, mais quel bonheur de les observer, quel réconfort nous trouvions dans ce que l’on pourrait appeler notre échec. Un jour, lors d’une matinée de pirsch, nous sommes arrivés sur un petit chemin et nous vîmes un renard couché près d’un petit buisson. Je me souviendrais toujours de ses mots : « si nous voulons augmenter le nombre de lièvres sur la chasse, il faut réguler les renards et les corbeaux, mais les renards sont trop beau pour être tué, c’est un animal magnifique ». Nous pouvons donc chasser, être chasseur, et choisir de laisser vivre un animal contre toutes les recommandations ? J’imagine que bon nombre de chasseurs qui me lise sont en train de bondir de leur chaise mais après tout nous vivons tous la chasse de manière différente et personnel. Plus j’accompagnais et chassais sur cette part de chasse, plus j’en découvrais sur cet univers, sur la philosophie des personnes qui m’accompagnaient. Avant chaque sortie, nous étions invités entre partenaire à un petit repas, moment de partage et de convivialité avant la sortie. Chaque chasse se soldait par des retrouvailles ou nous nous réjouissons de la réussite des autres (quelque fois) ou nous partagions nos échecs respectifs (souvent). Partage, convivialité, débonnaireté envers le succès des autres. Ces sentiments à eux seuls ne suffiraient ils pas à justifier la chasse ? Je pourrais continuer un moment à parler de ces anecdotes, du premier gibier tué, du baptême, des échecs, des réussites, mais ce n’est pas l’objectif de cet article et bien trop long à raconter.
Quand on rentre dans cet univers, quand on pousse les portes du monde de la chasse, tuer ne devient pas un objectif, ni une finalité, la chasse est avant tout un enseignement, un ensemble de connaissances. Des connaissances cynégétiques bien sûr mais aussi des connaissances sur nous-mêmes, sur nos limites et nos faiblesses. En apprendre plus, connaitre les animaux, leurs habitudes, approcher, voir le gibier dans son monde, dans la nature, quand la nature devient le monde du chasseur. Sans cesse vouloir repousser ses limites, s’améliorer, augmenter la difficulté, toujours plus près du gibier et plus proche de la nature jusqu’au moment ou la mort survient. La dualité de la chasse, quand on passe du plaisir de l’approche, du plaisir de voir l’animal, du plaisir du tir, à la culpabilité que l’on peut ressentir quand le gibier tombe, au soulagement quand il ne souffre pas. Ce sentiment indescriptible qui accompagne le chasseur, le pourquoi et le comment de la chasse. Pour moi comme pour beaucoup d’autres, tuer n’a jamais été un plaisir mais un acte nécessaire pour vivre notre passion. Toutefois, ne nous le cachons pas, quelle fierté ! Quelle fierté de ramener du gibier à la maison, de le préparer, de le découper, de le cuisiner et finalement de le partager avec d’autres. Nous sommes bien loin de la grande industrie, des fast food et des sachets de nuggets prémâchés. Le chasseur sait bien que la viande qu’il a dans l’assiette et le résultat de sa chasse, de l’animal qui a rendu son dernier souffle (par sa faute), du gibier qu’il a dû vider et préparer. Je vous le promets, vous ne verrez plus jamais le filet ou le gigot de la même façon. Les élevages de steack hâchés-ail-oignons n’existent pas dans la vraie vie, ici on n’est pas derrière un écran, on a du vrai sang sur les mains, on a tué ! Instant grave … et pourtant tellement empli de respect.
Partage, fierté, plaisir, culpabilité, respect et persévérance n’est ce pas la une recette formidable pour justifier à elle seule notre passion ? Certainement ! Mais au delà de ça, c’est aussi une formidable aventure humaine. Le sauvage, être face à la nature, face aux difficultés, face à l’animal, nous ne pouvons qu’être humble et respectueux. Si un jour on me posait la question : « Qu’est ce que la chasse à pu t‘ apporter ? », je répondrais sans hésiter : « le respect ». Le respect envers l’animal (drôle certains penseront), le respect de la nature et du sauvage mais surtout le respect de mon prochain. En comprenant la chasse, en respectant l’animal, en faisant face à la mort, en acceptant l’idée de tuer j’ai aussi pris conscience que l’Homme et de bien des manières unique, incompréhensible, et que nous devons tous faire des efforts pour vivre ensemble et avec la nature… Et pour moi c’est ça être un chasseur…
Crédit photographie : Raphaël DEMMERLE - son instagram